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  • 12 mai 2018

    Les Rhéteurs, tome 1 : Anasterry de Isabelle Bauthian

     Auteur : Isabelle Bauthian
    Éditeur : Hélios (2017)
    Genre : Fantasy
    Pages : 477 pages (format poche)

    Lu dans le cadre du Challenge « Le mois de la Fantasy »

    Le résumé : Rien ne saurait ébranler Anasterry, la plus riche et intellectuelle baronnie de Civilisation. Rien... sauf peut-être un défi de gamins. Quand Renaldo, le fils du baron de Montès, et son meilleur ami entreprennent de trouver la faille de cette utopie pour séduire une jeune fille, ils ignorent qu'ils vont déterrer de terribles secrets... Pour réparer ses erreurs, Renaldo devra choisir entre son patriotisme, ses idéaux et ses responsabilités d'homme libre. Il apprendra surtout qu'on ne pardonne rien aux donneurs de leçons, surtout quand ils ont raison...

    Ma chronique : Qu'il est bon de renouer le temps d'un roman avec la Fantasy et  tout ce qui me plaît chez elle ! Un roman qui plus est d'origine francophone, montrant que nos auteurs n'ont pas à rougir face à leurs collègues anglophones pourtant réputés maîtres en la matière. Et engluée comme je l'étais dans une période où Fantasy rimait avec déception, Les Rhéteurs, tome 1 : Anasterry m'a remis le pied à l'étrier. Et quel étrier !

    En l'an 17 du règne de Kolban le Roux, le royaume de Civilisation prospère. Une trentaine d'années se sont écoulées depuis la dernière guerre l'ayant opposé aux barbares d'Outre-Civilisation, et la nouvelle génération de jeunes gens qui peuplent ses quatre baronnies vit dans l'oisiveté la plus complète. Les Rhéteurs, c'est ainsi que l'on appelle ces jeunes désœuvrés usant de grands mots pour défendre de grands principes et dont Renaldo, fils cadet du baron Jago de Montès, fait partie. Mais bien loin de soustraire son cadet à toute responsabilité, la baron se décide à l'envoyer à Anasterry, la baronnie voisine à qui tout réussi, du moins en apparence. Car Jago en est sûr, Anasterry cache forcément quelques cadavres dans son placard et, sous couvert de renégocier un contrat commercial, compte sur Renaldo pour les lui dévoiler. Accompagné de son ami Thélban Acremont, Renaldo mène l'enquête et s'engage sur une piste qu'il n'aurait sans doute jamais dû mettre à jour, mais qu'un simple pari de gamins lui a servi sur un plateau d'argent.

    Scénariste dans le monde de la bande dessinée, Les Rhéteurs, tome 1 : Anasterry est loin d'être le premier ouvrage d'Isabelle Bauthian, et cela se sent. Il se dégage de ce roman (son premier par ailleurs) un sens du détail et du travail bien fait digne des plus grands ; et cette minutie transparaît d'abord à travers les mots qu'elle emploie. D'un point de vue strictement littéraire, lire Anasterry est un délice. Chaque phrase est construite avec soin, et c'est déjà en soi un vrai petit plaisir de lecture.

    Mais si Isabelle Bauthian a manifestement travaillé chaque tournure, c'est moins pour conter son histoire que véhiculer des idées fortes. Si on sait lire entre les lignes, on fait bien plus que témoigner de l'évolution de Renaldo ; on la vit avec lui, à grands coups de questionnements et de confrontations d'idéaux. A cet égard, Anasterry est un merveilleux représentant de fantasy réflexive, celle-là même qui divertit et fait grandir à la fois. J'en ai été la première étonnée, mais j'ai trouvé dans ce roman ce que je m'attendais à découvrir, hélas sans succès jusqu'à présent, chez Jean-Philippe Jaworksi (flop total lors de ma lecture de Même pas mort, que je n'ai d'ailleurs pas su terminer).

    "C'est parce que nous souhaitons vivre dans un monde meilleur que nous nous efforçons de maintenir la paix. La générosité absolue n'existe pas, mais ça n'a aucune importance. Car ni vous, ni moi, ni notre public n'est en quête d'absolu. Nous sommes en quête de bonheur et de sérénité. Et nous savons que nous ne l'atteindrons pas seuls. Le bien commun est un désir individuel, Saltimbanque."

    Cependant, tout le bien qu'Anasterry fait, il ne le doit pas qu'aux idées qu'il véhicule. Car avant d'être un récit qui vous remet les idées bien en place, Anasterry s'inscrit dans de la fantasy tout court, à ceci près qu'elle se veut ici incroyablement rafraîchissanteGrande amatrice de ce genre, je supporte aujourd'hui mal certains raccourcis et clichés plutôt fréquents : prophéties en veux-tu en voilà, quêtes initiatiques, royaumes au bord du gouffre, roturier élevé malgré lui au rang de héro... autant d'éléments qui autrefois me séduisaient mais avec lesquels je compose difficilement à l'heure actuelle, surtout lorsqu'on ne me propose aucune réflexion en toile de fond. J'ai ainsi peu apprécié ma lecture du Porteur de Lumière de Brent Weeks pourtant adulé par les amateurs du genre ; tandis que celle des Dieux sauvages de Lionel Davoust a sans doute été l'une des meilleures de 2017. Et Anasterry se rapproche infiniment plus de la seconde. Sans user à outrance des fils conducteurs de la fantasy classique, Isabelle Bauthian parvient à construire un récit  original et tout en simplicité. Nul monde au bord de la destruction, nulle quête insensée, nulle magie incontrôlable à contrecarrer. Des enjeux humains, avec ce qu'ils impliquent d'horreur et de joie. C'est tout ; et c'est redoutable.


    "Il n'y a pas de monstre à Anasterry."

    Et puis ces personnages auxquels on s'attache immanquablement et qui, oh joie, ne changent pas d'état d'esprit comme de chemise ! Bien que chacun évolue, le processus se veut lent et crédible, parfois même au détriment de certaines relations, comme c'est le cas de Renaldo et de Constance. Mais le protagoniste qui, comme de nombreux autres lecteurs je pense, a eu ma préférence, c'est Thélban. Rhéteur hors pair, il use des mots avec dextérité et talent ; et sa qualité de Maître de guilde fait de lui un homme redoutable sous ses airs de bourgeois débauché. A la fois bienveillant (en apparence, du moins) et difficile à cerner, Thélban est l'un des points les plus accrocheurs du récitOr vers les trois quarts du roman, le lecteur a justement besoin de s'accrocher, et Thelban tombe franchement à pic. Un petit défaut de rythme que je pardonne facilement.

    Savoir que quatre autres volumes suivront est un plaisir, d'autant que d'après l'éditeur chacun pourra se lire indépendamment des autres. Une démarche que j'apprécie beaucoup compte tenu de mes difficultés à me remémorer généralement les faits des volumes précédents. C'est donc avec beaucoup d'impatience que j'attends la sortie du second tome Grish-Mère en format poche. 


    Si vous ne l'aviez pas déjà compris, Les Rhéteurs est une saga à ne pas manquer pour qui souhaite lire plus que de la fantasy.

    Note : 18/20

    Date : 09 mai 2018 - 11 mai 2018

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